J’apprécie de travailler avec les clients un peu difficiles. Par difficile, j’entends les clients qui souhaitent aller au fond des choses, qui demandent des explications, des exemples, qui poussent dans nos retranchements, qui posent des questions (pas pour remettre en question l’expertise mais pour avoir les tenants et les aboutissants).
Ces clients forcent à réfléchir, à ne pas se reposer sur ses lauriers, à trouver de nouvelles façons de faire les choses (plus vite, mieux, plus rentable) tout en laissant les coudées franches pour (bien) bosser. Ce sont des clients ou la relation est saine et les attentes élevées. C’est ce qu’il faut pour progresser main dans la main.
Rien à voir avec les clients pénibles. Le client pénible paye mal, croit mieux savoir, en veut toujours plus pour toujours moins. À l’inverse, le client qui délègue tout n’est pas le meilleur client possible. Payer une presta pour avoir la paix, ce n’est pas le meilleur moyen de collaborer. Surtout quand, en tant que prestataire, il faut définir les objectifs, faire la stratégie, la tactique, la production et des retours sur les résultats (qui ne seront pas consultés).
Du côté du prestataire, chacun vend les prestations selon sa propre stratégie, son type de clients et ses objectifs. Soit. Mais quand je vois une prestation « Coup de fouet sur vos réseaux sociaux » à 1200 euros par mois pour la préparation de 2 publications (à mettre en ligne par le client) + coaching pour publier + vous restez propriétaire de vos réseaux, je me dis que certains ont soit trouvé le bon filon, soit des clients qui n’ont pas le sens des réalités, soit les prestataires n’ont pas honte de ce qu’ils vendent. Personnellement, je pense que c’est un peu les 3.
Précision : la presta en question ne comprend pas de prise de vue, ni interview, ni de déplacement, c’est uniquement de la rédaction + ajout d’image.
Précision 2 : Je sais bien qu’il y a des coûts de structure qui sont importants quand on est une agence.
Quand on sait à quel point c’est facile de préparer des publications pour les réseaux sociaux, il y a de quoi s’interroger sur le grand écart entre ceux qui ne savent pas faire et ne sont pas bien outillés d’une part et ceux qui ont les bonnes méthodes et un peu de temps de cerveau disponible d’autre part.
Je ne critique pas forcément le client. Il est difficile d’estimer le juste prix d’une prestation et parfois, le prix n’est pas le critère décisif. Besoin de se faire accompagner, pas du tout le temps ou bien l’envie, chantier casse-gueule à externaliser absolument, budget à consommer… il y a de vraies raisons qui ne semblent pas forcément rationnelles vues de l’extérieur.
Par contre, j’ai plus de mal avec les prestataires qui vendent ces offres. Soit les agences margent très fort et c’est, selon moi, profiter du client, soit elles ne sont pas bien équipées et vendent quelque chose qu’elles ne maîtrisent pas bien.
Le nombre de publications me semble aussi en dehors des réalités du monde des réseaux sociaux. Quand on sait que la durée de vie d’une publication sur les réseaux sociaux est de moins d’une journée (et parfois beaucoup moins – ça dépend du réseau), quel intérêt de ne publier que 2 fois dans le mois ?
Publier sur les réseaux sociaux aujourd’hui, c’est :
- Collecter tous les contenus et médias du client
- Auditer ce que font les autres et garder les bonnes idées
- Brainstormer, prévoir les publications et les médias
- Les organiser dans un calendrier éditorial et les adapter aux bons formats pour chaque réseau
- Publier / republier
- Faire le suivi des interactions et générer de l’engagement
- Acheter de la publicité pour booster la visibilité
La fameuse offre à 1200 euros, c’est uniquement pour collecter les contenus, préparer la publication et être conseillé (mais sur ce point, je n’ai pas de détail). Le reste, c’est en partie présent dans les offres plus chères.
Les différentes étapes listées un peu plus haut peuvent se faire entièrement à la main ou en s’épaulant des outils d’IA générative grand public (chatGPT, Claude, Mistral…) ou via des outils dédiés (Buffer est le plus connu, mais il y en a d’autres pour le multicompte, le multilangue, la collecte des commentaires et leur analyse, la publication de commentaires). L’outil grand public Canva propose de nombreux modèles pour chaque réseau par exemple. Certains outils de CRM / Marketing Automation permettent aussi de lier des campagnes publicitaires dédiées. Des SAAS ou logiciels de « visibilité & webmarketing » permettent de réaliser certaines tâches. Même Solocal le fait ! Il y en a pour quelques dizaines d’euros par mois. Pas plus. Et on attend d’une agence qu’elle soit bien outillée et mutualisent ses différents outils entre ses clients.
On pourrait aussi évoquer les outils sociaux qui permettent d’adapter à la volée des publications pour différents formats, les outils qui génèrent en automatique des images à partir de modèles à variables, des générateurs de vidéos, les gestionnaires de médias pour diffuser en respectant les chartes graphiques, les outils destinés à booster les engagements et à augmenter le nombre de followers, les outils de gestion de tags, les outils de veille social, les outils facilitant les partages, les outils d’analyses dédiés aux réseaux…
Les outils, c’est bien, mais un cerveau c’est utile aussi. Il faut préparer les publications et il faut les vérifier (s’il y a une IA qui s’en mêle). Il faut aussi pouvoir bouleverser le calendrier si besoin. Enfin, les outils ne travaillent bien que s’ils sont bien pilotés.
Les profils junior, les alternants, les stagiaires sont souvent affectés aux actions liées aux réseaux sociaux. Parce que ce serait « leur truc ». Ce n’est pas forcément un bon calcul, car être utilisateur d’outils sociaux n’a pas grand-chose à voir avec les compétences nécessaires pour savoir quoi, à qui et comment publier. Cette situation est aussi bien partagée chez les clients que dans les agences. Mais peu importe.
Si vous n’avez pas de « jeune » sous la main, il est aisé de trouver des freelances pour faire du community management. Malt m’indique des tarifs jours à 250-450 euros. Ce qui m’amène à mon dernier point : avez-vous calculé combien de journées de travail par mois un « jeune » ou un CM freelance sont nécessaires pour atteindre 1200 euros ?
Tout ça pour dire que 2 publications (image + texte) par mois, ça ne vaut pas 1200 euros !