Getting Real et Rework, faire mieux avec moins

Ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé d’un bouquin. En voici 2 d’un coup. Ils sont écrits par Jason Fried de 37 signals. Ce nom ne parle pas forcément. Par contre, si je parle de l’outil Basecamp ou de Ruby on Rails, normalement, ça évoque quelque chose parmi les lecteurs qui étaient déjà dans le monde de la tech au début des années 2000. Pour les autres, Basecamp est un outil SAAS de gestion de projets et RoR est le framework inventé par l’équipe et depuis proposé en OpenSource.

Chez 37 signals, ils construisent des applications accessibles via le web. Des outils SAAS. Et pour tous concepteurs d’outil, on veut que nos utilisateurs soient satisfaits de ce qu’on leur propose. On les écoute, on ajoute des fonctionnalités. En espérant que cela les rendra plus satisfaits de l’outil et du service.

Et bien Jason Fried a la position inverse. L’utilisateur ne sait pas ce qui est bon pour lui et veut trop d’options qui ne servent à rien. Alors on ne l’écoute pas. Le message est volontairement provocateur et à contre-courant de l’intuition mais il résume plutôt bien la pensée directrice et a bien infusé dans l’univers des startups : on peut faire mieux avec moins et les utilisateurs seront satisfaits.

livres 37 signals : Getting Real et Rework

Le premier livre, Getting Real est le plus concret et parle des différents aspects liés à la réalisation d’un SAAS. Le second, Rework, prend de la hauteur et propose une vision sur la gestion d’une entreprise de type startup / PME SAAS.

Voici les grandes idées développées dans les 2 livres.

Faire au plus simple

Pour chaque situation, toujours privilégier la solution la plus simple et la plus élégante. Empiler les outils et les technos est la meilleure façon d’avoir quelque chose qui casse à un moment ou un autre. L’idée n’est pas de revenir à des outils archaïques mais de maitriser le plus de briques élémentaires pour ne pas se retrouver en situation de dépendance. Viser le minimalisme pour ne pas se retrouver coincé, subir dette technologique et coûts de maintenance. Ça vaut pour les aspects tech mais aussi tous les aspects organisationnels de l’entreprise.

Moins de fonctionnalités mais des fonctionnalités qui marchent

Plus de fonctionnalités n’est jamais la bonne réponse. À la place, se focaliser sur les fonctionnalités essentielles et les exécuter de la meilleure manière possible. Mais toujours en restant simple.

Livrer tôt et souvent mais uniquement pour de vrais besoins

La perfection n’existe pas. Dès qu’une solution est bonne pour être proposée aux utilisateurs, la prototyper dans la foulée et la livrer. Puis demander des retours aux utilisateurs. Ça permet d’itérer plus vite et de coller aux besoins réels. Ça vaut pour les outils déjà ouverts au public dans le cadre d’améliorations mais aussi pour les nouveaux outils. Rien ne sert à peaufiner un outil qui ne trouvera peut-être jamais son product-market fit.

Ne pas écouter (tous) les retours utilisateurs

Face à une demande d’amélioration d’un utilisateur, d’abord dire non. Rester intransigeant par rapport à la vision de l’outil. Évidemment, il faut prendre en compte les retours des utilisateurs mais éviter les développements annexes qui ne servent pas la majorité des utilisateurs et écarte l’outil de sa mission principale. Et ne pas oublier que connaître ses utilisateurs et son audience, c’est un des piliers du marketing.

Préférer la simplicité et une bonne expérience utilisateur

S’il faut choisir, il faut toujours choisir ce qui simplifie la vie de l’utilisateur. S’il y a besoin d’une documentation, c’est que l’outil n’est pas assez intuitif. Gros boulot d’UX à prévoir sur beaucoup d’outils si on essaie de respecter cette vision, n’est-ce pas ?

De petites équipes agiles en interne

Être en nombre réduit permet d’avancer plus vite, de nourrir une culture d’entreprise commune et de garder chacun impliqué : on est tous en première ligne. Ça minimise les besoins de documentation, la réunionnite et évite aussi les lourdeurs multiples inhérentes à toute entreprise en croissance.

Tout est marketing

Le produit, toutes les interactions de l’entreprise avec l’extérieur sont du marketing. Chacun doit en être conscient et s’en emparer.

Agir plutôt que planifier

La planification à long terme est une perte de temps pour les projets SAAS ou les startups. Et les business plan ne sont jamais la réalité. Bien sûr, il faut une direction forte pour savoir où on va, mais les détails doivent venir au fil des semaines. L’adaptation et l’action sont ici les maîtres mots.

Apprendre en faisant

On pourrait reprendre le célèbre « C’est en forgeant qu’on devient forgeron » pour illustrer l’idée. Cette approche peut fonctionner à condition de suivre les préceptes précédents et rester toujours agile pour pivoter dès que nécessaire.

Privilégier l’auto-financement

Comment avoir les coudées franches si on doit rendre des comptes et avoir des exigences de performance à date butoir ? Si on veut conserver la main sur les décisions stratégiques et la vision initiale, il ne faut dépendre de personne. Avoir des budgets limités permet de trouver des solutions originales et créatives.

Ne pas regarder la concurrence

Le temps perdu à espionner ce que fait la concurrence est du temps perdu sur le projet et sa vision. Les décisions que prend la concurrence ne sont certainement pas les bonnes décisions stratégiques pour nous-même. Et faire plus que la concurrence n’est pas la meilleure solution.

Pourquoi grossir ? Pourquoi travailler beaucoup ?

La finalité n’est pas d’être le plus gros possible. Ni de croître le plus vite possible. Ni de faire les plus longues journées possibles. La vision de l’entreprise : c’est ce qui permet de maintenir le cap, de continuer à prendre plaisir à travailler, de rester agile. Qu’est-ce qui compte vraiment au final ?

Et en pratique ?

Ces 2 livres ont l’intérêt de remettre le produit et les vrais besoins des utilisateurs au centre, de miser sur une croissance saine, de valoriser et de respecter les collaborateurs. Mais une vingtaine d’années après leur parution, on peut toujours opposer diverses critiques à ces ouvrages :

  • négliger la concurrence, c’est très risqué ;
  • atteindre la taille critique sans financement extérieur est irréaliste dans certains métiers ;
  • ignorer la complexité du monde qui nous entoure en proposant des solutions simplistes ne crédibilise pas le propos ;
  • être très agile, c’est bien… mais aller jusqu’à supprimer les réunions ;-). C’est comme vouloir supprimer les emails, ça reste un doux rêve pour la plupart.

Le livre est volontairement radical pour marquer les esprits et s’adresse aux SAAS, agences du monde du web et startups. Les idées proposées sont souvent trop éloignées des façons de faire et de la culture d’entreprise des entreprises « normales ».

Pour ma part je retiens surtout le côté inspirant de ces 2 bouquins, l’éloge de la simplicité pour être plus agile et la remise en question du dogme de la croissance à tout prix (presque tous les mois, on me demande pourquoi je n’embauche pas !).

Qui a lu ces livres ? Qu’en avez-vous pensé ?

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