Copie de site : que faire ?

Un client me contacte en me montrant un site qui ressemble beaucoup au sien. Je vais voir et constate qu’il s’agit d’un plagiat : phrases copiées/collées, photos volées, organisation de page très similaire.

Ça arrive et ce n’est jamais agréable et suivant qui est derrière, les compétences du copieur et aussi ses intentions, le sujet peut être rapidement résolu… ou pas. Des cas de copie, avec plus de 20 ans de web au compteur, j’en ai vu passer un paquet.

Note positive : si vous êtes copié, c’est que vous êtes sur la bonne voie !

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Ce que dit le droit

En droit français, une page web et un site web sont protégés par droit de la propriété intellectuelle à condition qu’il soit suffisamment original et qu’il existe (une idée de page n’est pas protégeable). Il en découle des droits moraux et patrimoniaux qui s’appliquent au nom de domaine, au contenu, à la présentation, aux bases de données et logiciels. Pas besoin de mention « tous droits réservés » ou « copyright » (qui ne sert à rien en français) pour protéger sa production.

Quelle est l’intention du copieur ?

  • Simplement gagner du temps en pensant ne pas être remarqué : le prendre la main dans le sac et lui demander de supprimer le contenu volé peut suffire.
  • Nuire : ça risque d’être galère.

Qui est le copieur ?

  • Le « stagiaire » ou la personne en interne qui ne « savait pas » : c’est souvent une mauvaise excuse mais lorsqu’elle est invoquée, le problème se résout assez rapidement.
  • Un prestataire : le « c’est pas moi » s’entend facilement lorsqu’on achète des textes. Celui qui publie les textes copiés sur son site doit les retirer et se débrouiller avec son prestataire.
  • Notre interlocuteur : si la personne prend ses responsabilités et avoue naturellement, c’est qu’elle est de bonne foi ou qu’elle reconnaît son tort. Généralement, elle corrigera très vite.
  • Un automatiseur : si le vol de contenu a été réalisé par un SEO, un growth-hacker ou un profil un peu malin et filou dans le but de récupérer aisément du contenu dans une logique d’automatisation, il est facile de faire supprimer les textes. Ces acteurs, lorsqu’ils récupèrent les contenus, savent qu’ils sont en dehors des clous et veulent par-dessus tout éviter les problèmes. Ils suppriment et le sujet est clos.

Comment a été copié le texte ?

  • Manuellement : jusqu’en 2022, la plupart des cas de copies étaient faits à la main.
  • Via une automatisation : le contenu peut être aspiré par un mécanisme automatique (données scrappées, flux RSS copié, moulinettes diverses récupérant du contenu et le transposant via des procédés faisant intervenir des outils et des petites mains).
  • Via une IA : Cette situation est tellement flagrante depuis quelques années qu’elle mérite sa propre ligne dédiée. Si ça vous arrive, bon courage ! Les IA viennent se servir et font peu de cas des droits. Pour l’instant, c’est le far-west entre les outils majeurs qui tournent autour du pot et les utilisateurs qui pensent avoir trouvé la solution à leur problème de page blanche. Ce qui est par dessus tout problématique, c’est que la copie n’est pas tout à fait conforme.

Est-ce vraiment une copie ?

  • Copie exacte : c’est le cas le plus simple. Tout est copié. La forme, le fond ou les deux. Même présentation. J’ai même eu ce printemps un client qui s’est fait copier ses CGV par un autre ecommerçant et qui a laissé les liens pointer vers le site original ! Du travail d’amateur facile à repérer et une action plus facile à mener.
  • Copie partielle : ça ressemble malgré certains éléments différents. Ça peut être seulement quelques phrases qui manquent, des formulations adaptées, des ajouts par-ci par-là. Le copieur s’est basé sur notre production et l’a ajusté à ses besoins. C’est plus difficile à défendre mais ça se fait.
  • Copie reformulée : est-ce que pour noyer le poisson, le contenu a été paraphrasé, reformulé, synthétisé, mixé avec d’autres ? Pour la forme, est-ce que l’agencement a été retravaillé, les visuels changés ? Si c’est le cas, bon courage pour prouver la copie.

Quels sont les risques pour la visibilité ?

  • Si la copie vient d’un site récent, sans autorité ou avec un très grand écart de qualité (en leur défaveur), le risque est faible.
  • Si la copie émane d’un site qui publie beaucoup et/ou qui profite déjà de la confiance des moteurs, il faut agir et vite. Même si le contenu était publié avant chez vous, il y a des chances que Google préfère positionner le site qui fait autorité. C’est injuste, mais c’est comme ça.
  • Enfin, si le site du copieur est relativement similaire à celui à défendre, il faut agir aussi afin de ne pas se faire bouffer.

Au-delà du risque lié au SEO, il faut défendre ses contenus. Du temps et des ressources ont été investies, il ne faut pas laisser perdurer une situation de pillage de contenu. Seule contre-indication : si vous avez un plan…

Faut-il agir ?

Tout dépend qui est en face. Il est toujours plus facile de copier, d’être de mauvaise foi que de protéger ses intérêts. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Quel est le risque ? Quel est l’effort nécessaire ?

Si le copieur est facile à contacter, s’il est basé dans un pays proche, s’il est de bonne volonté, ça ira tout seul.

Si le site n’a pas de mentions légales ni de moyen de contact, qu’il est hébergé dans un pays peu regardant et que le nom de domaine ne révèle pas qui est derrière, ce sera certainement beaucoup plus ardu.

Comment agir ?

  • Faire une capture d’écran et une copie du code volé. Faire de même avec votre page.
  • Chercher sur web.archive.org des traces de la copie et de l’original.
  • Chercher dans le cache de Google des traces de la copie et de l’original.

Pour que ces traces aient vraiment du poids, il faut idéalement qu’un professionnel du droit les constate et les présente dans un format suffisamment robuste pour être présenté au tribunal. J’en parle plus tard.

Se protéger

  • Caviarder ses contenus : rajouter des données volontairement fausses, jouer avec les caractères et remplacer certaines lettres par leur équivalent dans un autre jeu de caractère…
  • Mettre en place des protections techniques (limitations de crawl, hotlink). Interdire le passage des bots IA (mais c’est à double-tranchant et pas forcément respecté…).
  • Protéger ses contenus (avoir des documents de cession de droits valables, avoir des CGU qui sont claires sur la propriété des contenus, éventuellement acter la publication de ses contenus auprès d’un tiers qui peut garantir la date du dépôt).
  • Souscrire à un outil de repérage de contenus volés (Copyscape, Killduplicate).
  • Se faire épauler par un juriste spécialisé.

Agir contre les voleurs

  • Contacter l’autre partie par téléphone (c’est mieux) ou par email et être très direct (« Votre site web contient des données volées, je veux parler à XYZ qui est votre directeur de publication »). Lister les contenus volés (chez vous) et indiquer leur présence (chez eux).
  • Missionner un spécialiste du droit. Ça peut être un avocat qui va envoyer un courrier en indiquant protéger vos intérêts. L’en-tête du cabinet, le listing des copies avec le rappel aux articles de lois, l’injonction de suppression et la possibilité de menaces sont très dissuasifs. Suivant le contexte, il peut aussi y avoir un constat réalisé par huissier pour prendre date et acter la copie.

Ces 2 premières options ne fonctionnent que s’il est possible de trouver un contact sur le site et qu’il y ait effectivement quelqu’un au bout pour répondre. Sinon :

  • Faire un DMCA auprès de Google : si le contenu est effectivement volé et que c’est flagrant, ça permet de faire disparaître la page du voleur des résultats de Google.
  • Indiquer le problème auprès de son prestataire (agence web ou SAAS). Les SAAS veulent éviter les problèmes (le statut parfois flou entre hébergeur et producteur de contenus les enquiquine et peut les forcer à agir).
  • Indiquer le problème à l’hébergeur et demander les coordonnées.
  • Indiquer le problème au registrar ou à l’AFNIC (si c’est un .fr) et demander les coordonnées.

Il est possible de mener d’autres actions, moins glorieuses. La moins pire étant de menacer de bad buzz.

Le mot de la fin

Pour revenir à l’exemple d’introduction, mon client travaille dans un secteur artisanal à forte concurrence sur Internet. La copie de la page d’accueil était flagrante et seul le header avait été changé et charté aux couleurs du voleur.

Pas de coordonnées sur le site (seulement un formulaire), pas de mentions légales. Le site était malgré tout en .fr et par rapport à la localisation géographique, à la marque et aux traces laissées par cette marque sur le web, nous avons remonté jusqu’à une entreprise que le client a contacté. Le site web n’était pas le sien, il n’en connaissait pas l’existence. Sa marque avait été usurpée et le voleur souhaitait certainement capitaliser sur l’historique du nom de domaine qui avait été abandonné.

Le risque était modéré étant donné que la page n’était pas encore indexée par Google. Par contre, une campagne publicitaire sur les réseaux sociaux rendait bien visible le contenu volé. Finalement, c’est le SAAS de marketing automation utilisé pour construire la page et propulser les campagnes sociales qui a répondu le plus vite et qui a forcé le voleur a modifié sa page.

2 réflexions au sujet de « Copie de site : que faire ? »

  1. Salut Christophe,
    Très intéressant ton retour d’expérience sur ce cas.
    J’ai récemment entendu parler de ScrapyLeaks : tu connais ?
    Un outil qui promet la protection des contenus.
    Curieux de te lire sur ce sujet.
    Tchusss,
    Dimitri

  2. Hello Dimitri,
    Je n’ai pas testé cet outil qui fait de l’offuscation de texte (via l’astuce des similitudes entre caractères de différents charsets ?) et du cloaking. Le gros avantage que je perçois, c’est que tout se fait en 2-3 clics plutôt que de devoir le faire à la main ou le coder soi-même.

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