Le blues du SEO écolo

Dans l’économie réelle, les efforts pour modérer l’impact sur les ressources naturelles s’imposent petit à petit. Souvent dans la douleur et parfois de bonne volonté. On trouve des labels, des normes, des quotas, des guides de bonne conduite, des formations…

un marketer au milieu de sa pollution numérique
Ça va ? Tranquille à polluer avec de la data qui ne sert à rien ni personne ?

Et dans l’écosystème digital ? Pas grand chose. Ah si, il y a la notion de DEEE (quand on recycle les déchets électroniques) et un peu la notion d’éco-conception web avec une norme AFNOR (SPEC 2201), le GR491 de l’Institut du Numérique Responsable, un guide et un référentiel faits par la Mission interministérielle numérique écoresponsable. L’Europe propose, elle aussi, une boîte à outils. Enfin, il y a quelques outils qu’on peut utiliser tel que ecoindex.fr (pour mesurer sa pollution numérique) ou les bonnes pratiques de performance web (qui ont un impact positif sur l’UX et vraiment à la marge sur le SEO).

Ce site, pourtant pas très complexe et contenant peu de médias, est plutôt mauvais en ce qui concerne son éco-conception. Alors les sites médias avec beaucoup d’images, de vidéos et de pubs…

ecoindex score
ecoindex impact
Heureusement qu’il n’y a pas 1000 visites sur ce site chaque mois !

Quand on parcourt les bonnes pratiques d’éco-conception pour le numérique, on retombe toujours sur les mêmes idées :

  • Pour le matériel : ne pas surdimensionner, modérer les achats, se fournir auprès de fournisseurs faisant des efforts verts, garder longtemps et entretenir, recycler ;
  • Pour les centres de données : surveiller les dépenses énergétiques, travailler avec des acteurs qui font des efforts ;
  • Pour le logiciel et les services : penser cycle de vie et partir sur des solutions les plus compatibles possibles ;
  • Pour les contenus et les données : fournir uniquement le bon contenu, en bonne qualité et bon poids, minimiser les données stockées, surveiller et limiter les flux de données ;
  • Pour les utilisateurs : sensibiliser, limiter les emails, limiter les impressions, limiter le stockage…

IA, SEO, SEA, social et Marketing automation : vive la pollution de masse !

Le constat, c’est qu’aujourd’hui l’impact sur les ressources naturelles et les dépenses énergétiques, on s’en moque dans nos métiers.

Dans les appels d’offres, notamment avec les projets institutionnels ou avec les grands groupes, il y a une dimension RSE qui fait partie des critères de sélection des prestataires. Dans l’immense majorité des autres projets, ce n’est jamais un sujet.

On le voit d’ailleurs dans notre utilisation au quotidien. Quand on cherche à s’outiller, quel est l’argument qui revient toujours dans le top 3 ? Le volume ! Le nombre de crédits, le nombre de téléchargements, le nombre d’analyses, le nombre de Go utilisables, la durée de l’historique, le nombre de concurrents / mots-clés ou URL à espionner, le nombre d’appels à telle ou telle API…

Et dans nos actions au quotidien ?

Perfusés à la data, on en veut toujours plus. Sobriété et modération ? Connait pas dans nos métiers !

Toujours plus en SEO

Si je force le trait, l’idée, c’est souvent d’avoir plus de contenus et plus de liens.

  • Le contenu ne s’indexe plus ? On paramètre des bots pour surveiller l’indexation et on fait des liens de relinking !
  • La concurrence produit plus ? On fait tourner des robots qui surveillent les SERPs, qui scrapent les résultats à intervalles réguliers, qui font une passe IA dessus, qui proposent des améliorations via d’autres outils IA…
  • Besoin de contenu géolocalisé ? On fait du content spinning et on ajoute des milliers de pages à son site.
  • Besoin de voir ce que fait la concurrence ? On aspire et analyse leurs pages, on surveille les SERPs et suit leurs évolutions via des outils.

Il faut néanmoins reconnaître qu’il y a aussi beaucoup de précos pour économiser les efforts des crawlers et accélérer les affichages de pages vues. Il faut aussi dire que quelques bons liens valent souvent plus que quelques dizaines de liens IA à 10 balles.

Toujours plus en SEA

Plus de tracking, plus d’audiences, plus de médias, plus de catalogues produits, plus d’affichages, plus de clics pour avoir plus de datas pour faire tourner des modèles d’IA qui promettent des conversions moins chères.

Et si on manque de temps, on laisse l’IA des régies pub faire toute seule. Elle va diffuser en masse, sur toutes les étapes du funnel et garder ce qui fonctionne le mieux (et aussi ce qui fait bien dépenser).

Toujours plus en marketing automation, CRO et ecommerce

Derrière les CDP qui emmagasinent des données folles sur les utilisateurs, on fait tourner des modèles d’IA pour envoyer le bon message à la bonne personne au bon moment.

Savoir quelle version fonctionne mieux ? Heatmap, questionnaires, tests A/B sont la solution qui génère invariablement plus de données.

En ecommerce, on paramètre des robots qui surveillent plusieurs fois par jour les prix pour déclencher des ajustements automatiques et prévoient l’évolution des prix.

Pour cibler encore mieux la longue-traîne, on écoute les recherches et on paramètre le search-dexing et la construction de facettes boostées à l’IA.

Toujours plus en social

La durée de vie d’une publication sociale est faible ? Ce n’est pas grave, on industrialise et on publie, republie et re-republie.

Si les internautes veulent de la vidéo, on crée un contenu vidéo long, qu’on transforme en de multiples formats snackables, en extraits audios, en posts déclinés et transformés pour correspondre aux codes de chaque réseau. Et pour accélérer et industrialiser tout ça, on s’outille avec des outils IA qui se chargent de la sale besogne.

Toujours plus pour exploiter la donnée

Parce qu’il ne faut pas laisser moisir ces données : on fait des tableaux de bord, on transpose et on importe les données homogénéisées dans un cloud pour analyser l’ensemble avec des outils de BI ou des algos IA. Évidemment, ça ne marche jamais à 100% alors il faut des routines et des sauvegardes qui consomment elles aussi.

Combien ça coûte ?

Certaines entreprises doivent réaliser leur bilan carbone (celles de plus de 250 salariés – ouf, on est tranquille). C’est facile d’identifier les premiers à contrôler : ils se voient dans le paysage et ils sont, par nature, suspects (les sites industriels, les transports…).

Mais si on rapporte l’impact écologique au nombre de personnes, il y aurait certainement des surprises. L’indépendant qui bosse depuis chez lui semble bien inoffensif. Pourtant, avec son réseau de sites, ses centaines de milliers de pages vues par mois, ses dizaines de domaines, ses abonnements à des outils à l’autre bout de la planète, ses landing pages et ses campagnes de pub, ses contenus multimédias racoleurs organisés sur un an, ses commentaires et DM automatisés et ses scripts qui font tourner des IA à l’autre bout du monde, n’est-il pas bien plus responsable qu’il n’y paraît ?

Son impact sur nos ressources communes n’est-il pas bien plus important que dans beaucoup d’autres métiers ?

Ce n’est pas anodin si aux USA, Microsoft a relancé la centrale nucléaire de Three Mile Island pour faire tourner OpenAI… Et ce ne sont pas les seuls.

Le contre-exemple en image et musique

Parce que je suis autant coincé que nous tous au milieu de toutes ces données sans lesquelles je ne peux pas bien bosser, j’ai demandé à 2 IA de m’aider (!) pour réaliser la première image de l’article représentant un spécialiste du web qui se fait déborder par les données. J’ai aussi demandé à Suno de composer un petit air.

Bien sûr, j’ai fait attention à mes crédits dispo et de façon très égoïste pour en dépenser le moins possible, pas pour réduire mon impact sur la planète. Le chemin est encore long et pendant que le Monde s’écroule, on continue de danser…

paroles d'une chanson sur le marketing digital et l'impact écologique

La solution ?

La vraie question, c’est : peut-on être rentable en proposant moins mais mieux face à des concurrents qui spamment et qui polluent ? Et peut-on occuper l’espace, être toujours proche de nos cibles sans faire du volume ?

La réponse est certainement oui, mais c’est plus difficile. La répétition est la base de la publicité. Le SEO, c’est spammer et triturer les algos des moteurs pour être plus visible que ce qu’on devrait. Sans donnée, le marketing automation et l’IA ne peuvent pas fonctionner. Dans nos métiers, la notion de volume est omniprésente. Imaginer nos métiers en bouleversant ce basique remet beaucoup de choses en question. Comment peut-on faire si on doit faire au moins aussi bien avec beaucoup moins ?

Je n’ai pas de solution et j’ai un dilemme intérieur sur ces questions. On fait quoi alors ? Connaissez-vous des exemples réussis de marketing digital écolo ?

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