Mesurer n’est pas comprendre, le paradoxe de la donnée

Nous sommes submergés par la data. Il y a de la donnée partout : des stats, des KPIs, des tableaux, des exports, des connecteurs et des automatisations.

Mais il y a surtout de la donnée non exploitable :

  • Des données fausses car mal trackées ou obsolètes ;
  • Des données précises qu’on confond aisément avec des données justes ;
  • Des données mal collectées et dont l’usage pose problème (RGPD) ;
  • Des données dont on ne sait pas quoi faire et qu’on stocke sans exploiter « au cas où ».

Et enfin, des données qui ne parlent pas pour le métier. Avec souvent une approche qui n’est pas la bonne et qui ressemble à « voyons voir les données collectées, quelle information puis-je en extraire ? » plutôt que « j’ai besoin de cette information, ou est-elle ? ».

rapport analytics avec données cassées
Quelle tristesse de voir que personne ne consulte le rapport sur mesure demandé ! Pourtant, c’est flagrant que les données ne remontent plus…

La donnée est piégeuse parce qu’elle nous détourne de la vraie finalité. Par exemple, c’est plus simple de :

  • Privilégier la quantité plutôt que la qualité ;
  • Fournir du temps réel et regarder dans le rétroviseur plutôt que de mettre en perspective et de lever le nez du guidon ;
  • Nous donner l’information que l’on souhaite plutôt que la donnée qui déplaît.

Noyés sous la donnée, on est bien. Mille petits détails éveillent notre curiosité et permettent des explications savantes. On confond chercher la petite bête avec extraire de la valeur et on repousse les vrais efforts, de même que les questions qui fâchent à plus tard.

C’est humain. Mais ce n’est pas efficace.

Notre paradoxe moderne : Trop de données, pas assez de réponses

Avinash Kaushik, gourou de l’analyse des données de type webanalytics, recommande d’afficher des données brutes, de mettre en perspective et de limiter le nombre d’informations.

  • Un rapport par type de destinataire (direction, commercial, tech), qui tient à l’écran sans scroller (ou sur une feuille A4) et qui permet de répondre à la grande question de chaque profil. L’idée, c’est de montrer de façon synthétique l’information clé qui permet de voir où on en est par rapport à l’objectif qui nous importe le plus.
  • Une note d’explication qui tient sur le même document expliquant l’évolution.
  • Et c’est tout.

Ce type de rapport court déclenche la discussion et la réflexion. Parce qu’il est directement lié aux sujets qui préoccupent. À l’inverse, si personne ne lit vos rapports ou ne rebondit dessus, c’est qu’ils sont inutiles. Désolé.

Il va falloir bosser

La bonne approche n’est pas d’installer les outils de tracking et de foncer tête baissée dans les stats. C’est de poser d’abord le cadre. Et seulement après d’aller collecter l’information dont on a besoin.

Question stratégiqueTraduction concrète en PME
Quel jeu jouons-nous ?Quel problème fondamental résolvons-nous aujourd’hui ? (retour au marketing : quel est le bénéfice (du bénéfice) de mon produit / service ?)
Qui sont les vrais acteurs ?Qui ou quoi menace ou influence réellement ma vente ? (Exemples : les concurrents, le DIY sur YouTube, l’influenceur synthétique sur les réseaux sociaux, Temu ou Shein, la peur d’investir qui décale les projets ou la pénurie de matière première)
Qu’est-ce qui influence le comportement des clients ?Pourquoi mon client décide-t-il de NE PAS acheter ? (Exemples : Il aime le produit, mais la livraison est trop lente. Il préfère un concurrent pour son service après-vente, pas pour son prix)
Quelles sont les forces structurelles ?Qu’est-ce qui est en train de changer dans mon secteur, que je ne peux pas contrôler ? (Exemple : L’arrivée de l’IA dans la création de contenu, une nouvelle norme écologique, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée)

Vous les avez ces données ? Moi, je suis certain qu’elles ne sont pas dans votre Google Analytics. D’ailleurs, Google Analytics, on s’en sert moins qu’avant, non ?

De mon côté, sur les petits projets, ce n’est plus un automatisme d’installer un outil de webanalytics parce que :

  • la collecte des données personnelles, si on peut éviter, c’est pas mal ;
  • ça simplifie le paramétrage et le temps (coût) passé ;
  • les données ne sont pas assez nombreuses pour faire une analyse quali ;
  • mais surtout parce que si personne ne regarde les stats, autant ne pas installer d’outil inutile.

C’est choquant ?

Revenons à nos données. Une fois que vous vous êtes inspiré du tableau ci-dessus et que vous avez réfléchi (oui, pour de vrai, sans IA), vous pouvez extraire quelques sujets précis à investiguer. Par exemple « Je crois que notre plus grand problème est la confiance due aux délais de livraison« . Parfois, il n’y a pas à réfléchir, les problèmes sont connus.

Et ensuite ? Comment aller chercher cette info ? Quel outil ? Quelle métrique ? Faut-il créer quelque chose de spécifique ou bien cette donnée existe-t-elle déjà et il faut simplement la rendre visible et lisible ?

Google Analytics permet d’ajouter des informations métier (dimensions et métriques personnalisées, calculs) et on peut enrichir et croiser les données. Dans MsClarity ou Hotjar, on peut lier des données externes pour faire des filtres inédits et faire vraiment parler la donnée. Dans Google Ads, on peut piloter ses campagnes avec la marge de ses produits et en fonction des audiences de notre CRM… Ça permet de voir, de piloter et de faire des choses très concrètes parce que la bonne donnée est exploitée.

Le travail revient donc à :

  1. Connaître son écosystème et sa position à l’intérieur ;
  2. Poser des hypothèses liées aux objectifs et pertinentes pour l’entreprise ;
  3. Mettre en place un tracking dédié qui répond aux hypothèses ;
  4. Collecter, analyser ;
  5. Agir ;
  6. Recommencer.

Ça demande plus d’efforts. Et c’est une bonne chose parce que des données de première main, juste et réellement utiles seront le carburant de la performance de demain. Vous savez, l’IA tout ça… Ces outils ne peuvent pas bien travailler s’ils n’ont pas de bonnes données.

Torts partagés ?

Les PME n’ont pas vraiment envie de se poser ces questions. Si elles n’avaient pas d’urgence et disposaient de ressources disponibles et compétentes, elles le feraient. Mais ce n’est pas la réalité. Et c’est pour ça qu’elles veulent se faire accompagner.

Pour les agences et les freelances qui sont sollicités, c’est plus simple d’aller dans l’hyper technique plutôt que de poser les questions qui font vraiment avancer les choses. Forcer ces discussions, c’est aussi une façon de sortir de son rôle d’exécutant et s’élever au rôle de partenaire. C’est plus exigeant.

C’est urgent ?

Remettre à plat ces outils de tracking, vérifier que la donnée est juste et s’alléger. C’est important.

Et ça devient urgent si vous prévoyez d’accélérer sur l’IA. Même si vous ne le prévoyez pas pour tout de suite, car nos outils du quotidien ne nous demandent pas notre avis : il y a désormais de l’IA partout et il va y en avoir encore plus.

Donc, oui, c’est important et urgent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *