Pavé un peu ardu à lire (c’est assez théorique), le livre « De la curiosité, l’art de la séduction marchande » de Franck COCHOY (#pubAmazon) explique les mécanismes de la curiosité et in-fine des publicités à partir de l’histoire enfantine de Barbe bleue.
Durant les 280 pages que dure le livre, l’auteur qui est professeur de sociologie à Toulouse II, membre du CNRS CERTOP et spécialiste des marchés, décortique pour le lecteur les techniques de publicités à partir d’exemples réels. Ainsi les différents ressorts de la curiosité sont analysés au travers des prismes de la philosophie, de la sociologie, du marketing… Le tout est divisé en cinq grandes parties dont voici quelques idées :
Curiosité : interprétations en fonction des époques
À travers les ages, la curiosité a été différemment perçue : Avec comme support l’histoire d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden, la religion a tout d’abord assimilé la curiosité au péché originel. Ainsi la curiosité se trouvait coincée entre d’une part le désir de connaître et d’autre part le respect des écritures qui interdisait l’accès à l’Arbre de la connaissance. Thomas d’Aquin fût le premier à proposer de différencier la curiosité (connotée négativement) et la studiosité (en quelque sorte, une curiosité compatible avec l’enseignement de l’église). La renaissance voit l’essor de la science moderne et des cabinets de curiosités. L’interdit religieux vient alors aiguiser la curiosité qu’il était censé réduire. Puis la libération de la libido scientifique vis à vis de la tutelle religieuse entraîne le développement des sciences et de nombreuses transformations économique qui engendre un recul de la curiosité.
Plusieurs exemples concrets de publicités et de leurs mécanismes sont disséqués :
Le Packaging ou comment montrer pour mieux cacher (et inversement)
Les emballages ont un double but : Montrer ce qu’il y a à l’intérieur mais aussi cacher. Cela attise la curiosité et donne envie de déballer pour mieux vérifier que le contenant est conforme à la promesse de l’emballage. Il n’y a qu’à voir les personnes qui se filment puis postent la vidéo sur Internet en train de déballer un produit pour en faire la critique en direct. L’emballage a donc ici un rôle de teaser.
Ça n’a pas toujours été le cas car par le passé l’emballage servait aussi à frauder. Depuis plusieurs décennies un basculement s’est opéré parmi les consommateurs et le packaging est désormais un outil de réassurance.
L’auteur parle aussi du paquet cadeau qui est à la fois packaging et anti-packaging : l’emballage protège mais ne dit rien et créé la surprise.
Publicité ou l’excitation de la curiosité
La pub est un merveilleux outil de teasing. Le teaser parce qu’il induit la notion d’attente permet de générer plus de ventes. Un excellent exemple est celui de la pub « Cette semaine j’enlève le haut, la semaine prochaine j’enlève le bas ». Publicité emblématique car elle transforme la curiosité en intrigue (qui est derrière cette pub ?) tout en jouant sur la temporisation (vivement la semaine prochaine). De plus, cette publicité en deux temps ne pouvait que choquer et faire réagir. Au final, l’impact a été considérable : tout le monde en a parlé au moment de sa sortie et beaucoup de personnes s’en souviennent encore aujourd’hui.
Autre très bon exemple : la FNAC. En tant qu' »agitateur de curiosité », l’enseigne culturelle joue admirablement des 3 ressorts clés de la curiosité : l’ennui, la sérendipité et l’émerveillement
QR Code et raccourcisseurs d’URLs, le self marketing
Dernier exemple que j’utiliserai ici, les QRCodes. Ces pictogrammes sont géniaux car il s’agit de « serrures » qui nous privent d’une information tout en nous la promettant si on scanne le code. L’imperfection du dispositif (le message codé) est au final ce qui fait son charme. Nous sommes ici dans le self-marketing ou chacune des parties est obligée de faire un pas pour que le message soit lu : l’entreprise propose un contenu publicitaire caché, l’internaute réalise un ensemble d’action pour découvrir le message caché. Ainsi impliqué, le message a plus d’impact.
Ces quelques lignes vous ont donné envie d’en lire plus ? Alors foncez chez votre libraire préféré pour acheter ce livre.
Merci pour le compte rendu. Le sujet a l’air intéressant, mais disons que commencer l’article en disant que sa lecture est ardue n’incite pas forcement à la curiosité pour le lire.
Par contre, j’aime beaucoup les analyses qui se projettent dans le temps comme ca, donc j’ajoute sur ma liste de livre a acheter 🙂
Intéressant cette notion de « self marketing ». Cela donne envie de se procurer le l’ouvrage 🙂
Il est intéressant de noter que l’interdit a toujours été stimulant pour la curiosité, par exemple on interdit aux jeunes mineurs de fumer et de boire mais cela les pousse au contraire à essayer. Ce bouquin va peut-être finir sur une de mes étagères.
Merci pour ce compte-rendu.
Il est vrai que les histoires les plus anciennes portent beaucoup de choses fondamentales, notamment au niveau de la manière dont travaille l’imagination.
Pour aller plus loin, je ne saurai que vous conseiller la lecture de « Psychanalyse des contes de fées » de Bettelheim… paru en 1976 😉
Merci pour cette synthèse ! F. Cochoy est en effet un chercheur incontournable en sociologie de la publicité. Ce livre me fait un peu penser à celui de G. Lewi, La mythologie des marques. G. Lewi y traite de l’espace narratif des marques, avec exemples à l’appui. Il est également très intéressant !