J’ai perdu une affaire récemment. Le prospect, peu technophile et dépendant de ses divers prestataires, était dans une situation peu commode : comment choisir lorsque l’on ne maîtrise pas (du tout) ce que l’on achète ?
Sur ce dossier, j’ai fait preuve de pédagogie (encore plus que d’habitude – pour ceux qui m’ont déjà pratiqué ;-)). Mais ça n’a pas suffit. J’ai été contacté par le prospect par recommandation. Le projet était dense et les enjeux importants. Le prospect souhaitait travailler avec un expert de proximité car le dossier était lourd :
- Des anciens sites web pénalisés par Google pour cause de liens de mauvaise qualité et plusieurs piratages ;
- Un changement d’enseigne (tout le travail de notoriété à refaire) ;
- Le ralliement à une franchise et à ses contraintes (j’y reviens plus tard) ;
- Un métier ou les ventes sont rares et chères ;
- Une concurrence féroce et nombreuse ;
- Une équipe volontaire mais pas du tout formée et aux agendas déjà bien remplis ;
J’ai été sollicité pour le doublé classique SEO + SEA Adwords. Avec une entreprise souhaitant réduire ses coûts d’acquisition de prospects au maximum, l’approche SEO qui fait sens sur le long terme, devait être privilégiée. Le SEA devait, quand à elle, permettre de travailler la notoriété et d’obtenir des leads qualifiés en attendant de gagner en visibilité naturelle.
Galerie des horreurs
Le projet semblait bien abordé jusqu’à ce que l’on évoque le nouveau site web. Imposés par la franchise (une petite dizaine de pages le tout facturé 4000 euros), tous les sites de la franchises respectent la même forme et utilise le même outil (propriétaire, avec obligation de passer par l’agence web réalisatrice et verrouillé de partout).
Le nom de domaine (4 tirets quand même) est imposé. La marge de manoeuvre est faible et limitée à quelques pages de contenu. D’ailleurs, l’équipe n’aura pas le temps de travailler correctement le contenu.
Côté SEO, le moule proposé est décevant avec une architecture médiocre et des erreurs de débutants en SEO (contenu dupliqué, arborescence plate, version mobile et version desktop, impossibilité de gérer les balises Title).
Comme il s’agit d’une franchise, tous les pieds de page de tous les sites du réseau lient les autres franchisés et les liens sont masqués.
Pour le trafic publicitaire, il est impossible d’avoir des modèles de page sur-mesure (c’est tellement mieux d’inciter l’internaute à ne pas donner son contact).
Cerise sur le gâteau, le contenu de l’intégralité des franchisés est dupliqué sur de gros sites aggrégateurs régionaux et verticaux (dans le métier).
Bref, il y avait un sacré boulot pour repartir sur des bases saines.
Pourquoi je suis content d’avoir perdu la vente
Je suis piètre vendeur. J’ai bien expliqué que le défi n’était pas possible dans les conditions actuelles mais qu’avec pas mal d’efforts on pourrait faire des choses très sympas. À condition de viser haut. Mais en utilisant les outils de la franchise, le pari était difficile, aléatoire et surtout stupide (pourquoi vouloir se mettre des batons dans les roues dès le début ?).
Et là, j’ai senti que j’ai perdu la vente. Et effectivement, je n’ai pas été retenu. Le dirigeant a préféré faire travailler une relation personnelle.
Pourquoi ai-je loupé la vente ? Parce que j’ai pointé du doigt :
- le mauvais travail de l’agence qui équipe tous les franchisés ?
- la mauvaise stratégie de la franchise (non mais, pour qui est-ce que je me prends ? Je ne pouvais pas rester à ma place de simple exécutant et dire que leur outil était super et qu’on allait déplacer des montagnes grâce à leur clairvoyance numérique ?) ?
- le fait que l’entreprise avait mis les doigts dans une engrenage dont il serait difficile de ressortir sans dommage ?
Je compatis bien sincèrement avec mon concurrent qui a remporté le marché et je suis déçu pour l’entreprise que j’ai rencontré. C’est toujours triste de voir que la meilleure volonté ne permet pas toujours de faire de bons choix. Que va devenir ce projet ? la même chose que beaucoup d’autres sur Internet : au mieux un petit projet qui coûte plus qu’il ne rapporte et qui, de version en version ne sert pas vraiment celui qu’il devrait servir (il faut bien faire vivre les intermédiaires).
Aucune condescendance de ma part ici. Je ne suis pas forcément meilleur qu’un autre mais j’ai au moins (parfois) la clairvoyance et l’expérience pour dire que quand ça va mal se passer… et bien ça va mal se passer.
Quatre tirets pour un nom de domaine en 2016, c’est un peu… violent 😉
Je pense qu’avec tant d’erreurs à rattraper, et de contraintes à internaliser, c’est probablement une bonne chose que d’avoir « raté » cette vente !
Dommage que beaucoup de personnes aient encore du mal à accepter la critique, alors même que celle-ci est constructive et doit servir de base à un changement stratégique.
J’en connais quelques unes, des agences web qui auraient pris le contrat tranquillement sans se soucier des résultats. Certains se justifient facilement avec quelques bons slides de présentation à la noix. Quand l’énergie passe par la justification, c’est que c’est mal barré.