On est moderne, on est sur le web !

Allez, encore un article défouloir avec cette fois-ci un projet de site web pour lequel j’ai des informations de première main. Avant même le début du projet, je savais que je ne voulais pas y aller : trop loin de ce que j’aime faire et tous les ingrédients y sont réunis pour en faire un projet foireux.

Une structure locale d’une vingtaine de personnes est en train de refaire son site web. Le précédent avait été piraté et avait été fermé au bout de quelques mois (personne ne s’en était rendu compte).

La structure n’est pas très à l’aise avec l’informatique en général et n’a pas vraiment de problème à travailler à cause d’un positionnement sur un créneau très particulier ou il y a quasiment pas de concurrence et du boulot qui tombe tout seul. Ça fait longtemps que la situation est ainsi et les réflexes entrepreneuriaux se sont depuis longtemps érodés.

Mais une nouvelle direction arrive et avec elle un beau projet : la refonte reconstruction du site web.

Il se trouve que je connais aussi l’agence qui a été sélectionné pour le projet et au détour d’un appel téléphonique, on en a discuté. Ce n’est pas un tout petit projet et il y en a quand même pour 5000 euros. Pas anodin pour un site de présentation de 10 pages sans objectif !

Sans objectif ? Sans vrai objectif. Perso, j’aime bien quand un prospect/client me dit : je veux faire X ventes de plus par semaine ! J’ai besoin de faire rentrer X nouveaux leads par mois. Quand les objectifs sont précis, on peut élaborer des stratégies pour les atteindre. Ou bien justifier pourquoi l’objectif n’est pas réaliste, le cas échéant.

On est donc, sur une construction de site vitrine dont l’objectif est d’être « visible ». D’ailleurs il y aura des « actus ». Il y aura aussi un chantier Instagram qui sera réalisé en interne.

Dans la première réunion de travail avec la direction, l’agence web s’est vue expliquer ce que faisait la structure et remettre une plaquette (dont il ne faut pas s’inspirer car elle est obsolète). La direction a aussi donné carte blanche sur la réalisation car elle voulait voir ce que l’agence avait dans le ventre.

Un mois plus tard : l’agence vient avec sa première maquette fil de fer. Maquette ordi. Surtout pas mobile, le client envoie encore des fax ! Et puis, comme le projet risque d’être laborieux, autant ne pas déstabiliser le client. De belles maquettes sur ordi suffiront. De toutes les façons, le client ne sait pas ce qu’il veut… Pour épauler le client, des étudiants en marketing sont venus donner un coup de main en proposant d’être sur les réseaux sociaux (mais pas Facebook, c’est dépassé). Au total, une dizaine de personnes autour de la table pour 3 heures de réunion.

Comme le client ne savait pas ce qu’il voulait, les maquettes n’ont entraîné aucune remarque ou question. Le travail semblait très bien. Par contre, les 2h qui ont suivi la présentation de l’agence ont été plus terre à terre mais pas plus utiles : qui allait écrire le contenu ? Personne ne voulait récupérer le bébé alors il a été décidé de se répartir le travail par service.

Aujourd’hui, on en est là. Les salariés embarqués dans l’histoire ne veulent pas s’impliquer. La direction aimerait bien refiler le bébé au presta et aux collaborateurs par manque de temps. L’agence sent que ça va être difficile… Tous les ingrédients sont réunis pour que le projet soit vite oublié après sa livraison.

Prochaine réunion dans un mois (avec les textes transmis d’ici là idéalement). L’agence reviendra présenter sa maquette en couleur et demandera le GO pour commencer l’intégration. Sans être devin, je suis cependant persuadé que des points de détails tels que les suivants seront soulevés :

  • Le bord arrondi pourrait-il être moins arrondi ?
  • J’aime beaucoup le beige / taupe. Ne pourrait-on pas en ajouter ?
  • Le logo n’est pas assez gros, on peut le doubler ?
  • Le texte ne va pas vraiment. Pourrait-on reformuler cette phrase ? Et faire en sorte que le texte soit bien justifié ?
  • Je pense qu’il faut que ce soit mon service qui soit en avant sur la page d’accueil, c’est quand même le plus important !
  • Pourquoi n’utilise-t-on pas Comic-sans-Ms, c’est sympa comme police, non ?

Il est tout à fait normal et logique de demander des ajustements. Aucun problème avec ça. Mais pinailler sur la forme alors que le fond est complètement creux, c’est passer à côté de l’essentiel.

Ce qui ne va pas

À propos de fond, voici en vrac les points qui ne vont pas.

  1. Pas d’objectif précis ! Je plagie Sénèque : « Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas ou il va« … Avoir un objectif permet aussi de savoir si l’objectif a été atteint. Tout simplement. Sans objectif, comment juger de la réussite du projet ?
  2. Des « actualités ». Qui lit les actus d’un site web ? Les actualités sont trop souvent nombrilistes. On a fait ceci, on a fait cela… et chaque mois, c’est la même galère avec l’angoisse de la page blanche. Ce contenu n’intéresse généralement pas le public visé et n’est pas intéressant pour Google. Il faut cependant lui reconnaître un gros point positif : en fonction de la date de dernière publication, il donne un piste à l’internaute sur la fréquence de mise à jour et, on peut le présumer, de la justesse des informations publiées.
  3. Instagram ! Instragram est un super outil lorsque la structure est capable de publier selon les codes de cette plateforme et lorsque le public cible se trouve dessus. Ici, le métier n’est pas du tout visuel, les salariés du client ne s’en servent pas et les prospects/clients ne l’utilisent pas du tout. Dans ce contexte, tout est bon pour se planter avec Insta. Facebook, à l’inverse, colle beaucoup plus avec la tranche d’age du public visé. Même si c’est un réseau de vieux pour les étudiants qui ont donné leur avis perso plutôt qu’un avis circonstancié.
  4. Pas de direction. Pas de contenu. Pas d’élément graphique. Pas de charte rédactionnel. Pas d’information précise sur les visiteurs et leurs attentes. Le risque est ici de gaspiller les ressources achetées qui produiront quelque chose qui ne correspondra pas.
  5. Vouloir mettre à l’épreuve un prestataire ? Sur le principe, pourquoi pas mais il faut alors définir un cadre d’action précis afin que le prestataire, qui ne connaît pas grand chose du métier et des attentes du client, puisse fournir un travail qui fasse sens, qui tombe juste et qui soit une vraie réponse opérationnelle. Sans direction, le prestataire va imaginer en fonction de ce qu’il a en main et le client risque d’être déçu parce que ça ne correspond pas et que le prestataire n’a pas su nous comprendre.
  6. Beaucoup confondent la création web avec « faire un beau site ». Même si les designers et les graphistes utilisent les mêmes ressources et outils, la finalité est complètement différente. Le design est au service d’un but : rassurer, séduire, faire adhérer, faire acheter… Si au passage, le résultat peut être « beau », tant mieux. Mais ce n’est pas ça qui est visé.
  7. Pas de chef de projet. Personne ne veut de ce projet. En interne chez le client, personne ne veut s’y coller ni même produire le contenu. Alors que le client devrait être moteur, il se laissera ici porter par le prestataire. Face à un client qui  n’en a rien à faire, le prestataire a-t-il envie de donner son meilleur ?
  8. Pas de cohérence. Si chaque service transmet son contenu, quelle sera le fil rouge entre chacun ? Quelle cohérence entre les pages ? Quelle progression logique à travers les différentes pages ?
  9. Pas centré sur l’utilisateur. Avec « pas d’objectif », c’est mon chouchou. L’internaute d’abord. Toujours. C’est le B.A.BA du marketing et du commercial. Connais et respecte ton client si tu veux lui vendre quelque chose. L’approche « une page par service » n’est pas la bonne. L’internaute, qui nous accorde son temps précieux veut trouver les réponses à ses problèmes et s’attend à ce qu’on comprenne ses besoins. Sinon comment bien y répondre ? Savoir que la structure est organisée en service ne lui apporte rien.

Faire un site web est un vrai chantier. Et pas seulement technique. Si vous ne savez pas par quel bout le prendre, il ne faut pas hésiter à demander à son prestataire ou à un autre prestataire une petite mission d’accompagnement/pilotage afin d’être mis sur les bons rails. Le coût sera, à coup sûr, compensé par le temps gagné et les retombées générées lors de la mise en ligne.

Une réflexion sur « On est moderne, on est sur le web ! »

  1. Bonjour Christophe,

    Je suis tombé sur cet article en faisant une pause dans la rédaction d’un loooong email où j’explique justement au client pourquoi et comment il doit fixer des objectifs concrets et mesurables. Du coup, je vous pique la citation de Sénèque.

    Bon courage pour la suite !

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